dimanche 23 avril 2017

146298

« La fille met des gants. Elle applique la feuille, appuie dessus avec le plat de sa main et la retire lentement. Je regarde.
Mon avant-bras.
C'est là.
Le motif apparaît. Les chiffres.
La succession froide que je connais par coeur.
Ce que ce tatouage va révéler a toujours existé. »


Mon avis

Dans le cadre du Salon du livre de Genève 2017, je vais rencontrer Rachel Corenblit. Pour préparer cette interview, on m’a envoyé son roman 146298, petit texte paru dans la collection D’une seule voix chez Actes Sud Junior.

65 pages, c’est court. Et j’avais peur de ne pas réussir à entrer dans l’histoire en si peu de pages. Pourtant, l’autrice réussit l’exploit d’embarquer son lecteur dès la première ligne. Cette succession de chiffres est un mystère, mais chaque page nous rapproche de la dure vérité.
On découvre une relation également, celle de la petite-fille et de sa grand-mère. La vie. Les souvenirs. L’oubli. La liberté.

C’est un texte poignant. Qui met en avant un pan de l’histoire qu’on n’oubliera jamais. Mais aussi la recherche d’identité d’une ado qui ne comprend pas encore. Qui essaie de vivre ce qu’on ose à peine imaginer. Elle va jusqu’à tester ses limites pour ressentir l’atrocité des souvenirs de sa grand-mère.

65 pages qui restent gravées dans notre mémoire.
Comme les chiffres tatoués sur la peau.


Autrice : Rachel Corenblit 
Editeur : Actes Sud Junior
Collection : D'une seule voix
Parution : 2 septembre 2015
Pages : 65
EAN-13 : 9782330053758 

jeudi 20 avril 2017

Les mondes d'Ewilan, tome 3 : Les tentacules du mal

« Un frisson d'angoisse parcourut le dos d'Ewilan. - L'Appel Final mérite des jeux extraordinaires, peuple de Valingaï, poursuivit Baaldoub. Je t'ai donc concocté un programme éblouissant, un programme sanglant, un programme à ta mesure ! »
Ewilan parvient dans la cité-État de Valingaï. Elle affronte la force obscure d'Ahmour en un combat épique puis les terribles révélations d'Eléa Ril' Morienval, avant de choisir son avenir. 


Mon avis 

Peut contenir des spoilers concernant les tomes précédents Les mondes d'Ewilan : La forêt des captifs, L'oeil d'Otolep.
 


Et voilà. On y est, c’est terminé. Plus jamais je ne découvrirai un texte de Pierre Bottero « comme la première fois ». J’ai repoussé le plus longtemps possible ma lecture de la trilogie Les mondes d’Ewilan, parce que je savais qu’après ça, il n’y aurait plus jamais rien de nouveau. Parce que j’avais déjà relu plein de fois La Quête, Ellana, L’Autre, Les âmes croisées et tant d’autres.
Le premier et le deuxième tome de cette trilogie ne m’avaient pas franchement convaincue. Trop introductif pour l’un, trop répété pour l’autre. Ce troisième et dernier tome relève le niveau et nous apporte une fin de saga digne de Pierre Bottero.

L’auteur va jouer avec nos nerfs durant en tout cas 50 pages, intenses et pleines de doutes. Il maîtrise l’ascenseur émotionnel à la perfection, et j’ai souvent versé ma petite larme pour la ravaler juste derrière. Pourtant vous le savez, j’ai plutôt un cœur de pierre en littérature. Oui, sauf qu’avec mon avis sur Adélaïde de Marie Laberge et maintenant celui-ci, vous vous dites que je vous ai clairement menti.
Pierre Bottero innove ! Il nous présente de nouveaux peuples et un nouveau continent. Qui pour moi arrivent un peu tard. Il aurait largement pu introduire cette partie du monde dans le deuxième tome, en raccourcissant l’aspect « quête » de ce dernier, qui ressemblait beaucoup trop à la première trilogie.

Ewilan et ses amis sont enfin arrivés de l’autre côté de la mer des Brumes et cherchent à rejoindre Valingaï, la cité dont vient le jeune Illian. Si tout se passe bien dans un premier temps, ils vont vite se rendre compte que ce continent ne ressemble pas à Gwendalavir, et qu’ils ne sont pas toujours les bienvenus. De plus, Ewilan doit également trouver un moyen pour détruire Ahmour, la méduse qui a pris possession de l’Imagination et empêche les dessinateurs d’entrer dans les Spires.
Que dire de plus ? Franchement, ce tome est très bon, il clôt parfaitement un cycle, mais malheureusement pour les fans, je trouve qu’il en ouvrait également un autre. Le dernier chapitre, ainsi que la nouvelle carte au début du roman, auraient pu laisser envisager une suite. Une troisième trilogie. Car finalement, on explore très peu ce nouveau monde. Et j’aime imaginer que Bottero aurait pu nous concocter une suite, juste pour expliquer ou montrer une petite chose qu’on peut découvrir quand on a lu le dernier tome de L’Autre. Je vous disais déjà que les livres de l’auteur se croisaient volontairement.

Ce tome est peut-être le plus adulte de la série Ewilan. Il parle de beaucoup de sujets : amour, famille, amitié, mais également politique, religion et guerre. L’aventure ne sera pas tendre avec les personnages, et on retient notre respiration plus d’une fois. On relit certains passages pour être sûr. Et on croise les doigts pour que le pire n’arrive pas.
Tous les personnages m’ont réjoui. Ewilan est une véritable héroïne pour moi, elle ne se laisse pas aveugler par son statut, et n’accepte pas certaines fatalités. Elle est réaliste. Même si elle est très courageuse, on la sait également apeurée par cette aventure et l’affrontement final. Et que dire sur Ellana, Bjorn, Salim et les autres ? Chacun va terriblement me manquer. Et je relirai avec grand plaisir leurs aventures, encore et encore.

Pierre Bottero aura créé un univers merveilleux. Avec des personnages et des histoires qui auront bercé mon adolescence.


Auteur : Pierre Bottero
Editeur : Rageot
Collection : -
Parution : 14 octobre 2015
Pages : 440
EAN-13 : 9782700249316

mardi 18 avril 2017

Grandes ou petites bibliothèques ?

Vous n’imaginez pas le nombre de messages que je reçois me disant : je ne peux pas être blogueur/booktubeur, car je n’ai pas une assez grande bibliothèque. Chaque fois, j’écarquille un peu plus les yeux, car je me demande d’où vient cette idée, que plus on aura de livres chez soi, plus on sera légitime à être booktubeur ou blogueur littéraire. J’admets que suivre des gens qui possèdent de grandes bibliothèques, bien garnies, n’aide pas à se dire qu’une petite rangée de livres, ou pas de livres du tout n’empêche pas de se lancer dans l’aventure. Ou de se désigner comme étant un grand lecteur. Et pourtant…

Petit retour en arrière. 2004, je vous présente Margaud, environ 14 ans. Margaud a un peu d’argent de poche, là n’est pas la question, mais les livres, ça coûte cher. Sa maman est très gentille et lui en offre de temps en temps, mais elle non plus n’a pas de compte en banque illimité. Donc elles vont souvent à la bibliothèque, et là, c’est le paradis des livres ! Si Margaud rêve d’avoir un jour une bibliothèque de la taille de celle de la Bête, avant d’atteindre ce stade, elle emprunte tout ce qu’elle peut, et fait de sacrées découvertes. Mais petit à petit, elle commence à faire sa petite collection personnelle. Et les livres s’accumulent doucement. Doucement. C’est comme ça que ma bibliothèque ressemble aujourd’hui à ce qu’elle est. Parce que les choses se sont faites petit à petit.




Là où je veux en venir, c’est que la taille de votre bibliothèque ne détermine pas quel genre de lecteur vous êtes. Je fais constamment du tri dans la mienne. Car je n’ai pas la place pour en mettre d’autres. Et je ne voudrais pas en ajouter d’autres finalement. Je ne collectionne que peu de choses, voire presque rien d’autre que les livres. C’est mon petit plaisir, et quand il me reste du budget à la fin du mois, je me permets un petit craquage. Parce que c’est mon truc. Pour d’autres ça sera des chaussures, du vin, des DVD, de la musique, ou que sais-je d’autre, ou rien !
Mais je sais que certains livres n’ont plus leur place chez moi. Ils ne me correspondent, ne me représentent plus. Donc je les donne. Pour qu’ils fassent plaisir à d’autres lecteurs. Je m’en sépare, pour que d’autres que j’ai plus aimés prennent leur place. C’est un cycle. Il faut aussi retenir que nous n’avons pas tous le même budget à disposition pour nos passions. Chacun son rythme de vie. Et quand on a 14 ans, ou la vingtaine et encore aux études dans un mini studio, une grande bibliothèque n’est pas une priorité. Donc emprunter à la bibliothèque est la meilleure des solutions. Et permet de lire tout autant que si on les avait achetés. C’est bien le texte qui compte, non ?

Ne comparez pas vos bibliothèques avec celles des autres. Elles ne vous ressemblent sûrement pas. Car vous êtes en train de construire la vôtre. Elle est peut-être petite pour l’instant, ou inexistante. Mais si vous en avez vraiment envie, avec le temps vous commencerez à acquérir les livres que vous souhaitez vraiment y voir. Et avec l’âge, certains livres qui s’y trouvent ne vous sembleront plus être à leur place, et vous les remplacerez par d’autres. Et ainsi de suite.
Gardez à l’esprit que le plus important est de découvrir, lire et aimer ça. Pas la façon dont les livres vont s’entasser chez vous.

dimanche 16 avril 2017

Forbidden

She is pretty and talented - sweet sixteen and never been kissed. He is seventeen; gorgeous and on the brink of a bright future. And now they have fallen in love. But... they are brother and sister.

Seventeen-year-old Lochan and sixteen-year-old Maya have always felt more like friends than siblings. Together they have stepped in for their alcoholic, wayward mother to take care of their three younger siblings. As defacto parents to the little ones, Lochan and Maya have had to grow up fast. And the stress of their lives—and the way they understand each other so completely—has also brought them closer than two siblings would ordinarily be. So close, in fact, that they have fallen in love. Their clandestine romance quickly blooms into deep, desperate love. They know their relationship is wrong and cannot possibly continue. And yet, they cannot stop what feels so incredibly right. As the novel careens toward an explosive and shocking finale, only one thing is certain: a love this devastating has no happy ending.


Mon avis

Pour cette chronique, je vais devoir m’armer de patience, car elle va être compliquée à rédiger. Forbidden va paraître en français aux éditions Milady d’ici juillet 2017 normalement, et j’espère que vous le lirez, histoire qu’on puisse en débattre un peu. Ou si vous êtes très impatients, la version anglaise est disponible, mais pas super évidente à lire.

Lu en lecture commune avec Moody, j’étais très heureuse de pouvoir lui en parler à la fin. Ce livre est très particulier. On réfléchit beaucoup, et on remet constamment son jugement en question. Tabitha Suzuma aborde un thème très difficile, peu répandu et plutôt tabou : l’amour entre un frère et une sœur (pas de spoil, c’est sur la couverture et la 4e). Elle va nous faire entrer dans le quotidien morose de Lochan et Maya, un frère et une sœur de 16 et 17 ans qui doivent jouer le rôle de parents auprès de leurs plus jeunes frères et sœurs. Le père est parti depuis de nombreuses années, et la mère est une alcoolique peu présente. Cette situation plutôt ambiguë va leur faire endosser une fonction qui n’est pas la leur, et peut-être aider à développer certains sentiments l’un envers l’autre.

Lochan a 17 ans, il est le plus grand de la fratrie et aussi le plus déprimé. Si au départ j’ai eu beaucoup d’affection pour lui, je l’ai rapidement trouvé très extrême dans son comportement. Crises de colère et grosse déprime étaient au rendez-vous.  
De l’autre côté, Maya est une jeune fille pleine de ressources, qui fait son possible pour que toute la famille avance chaque jour un peu mieux que la veille. Je ne peux pas vous dire que je n’ai pas aimé Lochan, on s’attache beaucoup à lui et ses réflexions sur le monde qui l’entoure m’ont rappelé beaucoup de choses. Une phrase en particulier m’a sauté à la gorge : « …je veux sortir de ma propre peau ». C’est une sensation qu’on peut facilement avoir quand on est mal dans sa peau. Malheureusement, il a vite basculé de l’autre côté du miroir pour moi. Il lui manquait cet touche d'« espoir ». J’aurais aimé voir plus de lumière dans ce personnage.
Ce que Maya possède finalement. Elle n’est pas tout le temps joyeuse non plus, et reflète pour moi parfaitement l’adolescence. Beaucoup de doutes, mais aussi des moments plus légers. Je ne sais comment l’expliquer.

Finalement, que penser exactement de cette histoire ? Elle est touchante. Marquante. Et pour moi, dérangeante aussi. J’avais cette impossibilité à me faire à cet amour. Peut-être parce qu’on en parle trop peu ? En fait, j’essaie encore de le comprendre maintenant, bien des jours après avoir terminé ma lecture. J’essaie de faire la part des choses. Et même si les personnages m’ont touchée, par leur histoire tendre et naturelle pour eux, je n’arrive pas à me mettre à leur place. Je n’arrive pas à ressentir leurs émotions. Peut-être que ça viendra avec le temps.
La fin m’a coupé le souffle. Elle n’a pas pris la direction que j’attendais, et du coup j’ai du mal à l’accepter. Finalement, elle correspond à l’histoire, c’est tout ce que je peux vous en dire, sans vous donner trop d’informations.

Mais je conseille ce livre, car il pousse à la réflexion. On s’intéresse à des sujets tabous, à travers des personnages intéressants.


Autrice : Tabitha Suzuma
Éditeur : Definitions
Collection : -
Parution : 27 mai 2010
Pages : 432
EAN-13 : 9781862308169

vendredi 14 avril 2017

Carry On

Simon Snow déteste cette rentrée. Sa petite amie rompt avec lui ; son professeur préféré l'évite ; et Baz, son insupportable colocataire et ennemi juré, a disparu. Qu'il se trouve à l'école de magie de Watford ne change pas grand-chose. Simon n'a rien, mais vraiment rien de l'Élu. Et pourtant, il faut avancer, car la vie continue...


Mon avis

Comme je vous le disais précédemment, j’ai pu rencontrer Rainbow Rowell durant le Salon du livre de Paris. Pendant cette interview, je lui ai posé deux-trois questions sur son dernier roman : Carry On. J’avais plus qu’adoré Fangirl, qui fait partie de mes chocolats chauds livresques, livre doudou que je prendrais plaisir à relire (d’ailleurs, il faudrait que je planifie ça prochainement). J’étais impatiente d’entrer dans le monde de Simon Snow, et comme l’autrice elle-même m’en avait parlé avant, j’entrais confiante dans cette histoire.

Lu en lecture commune avec Anaïs, de la chaîne Ezila’s Book, nous avons toutes les deux eu le même ressenti : lecture décevante. Pour remettre l’église au milieu du village, Carry On est la fanfiction que Cath, personnage de Fangirl, écrit durant son cursus universitaire. La saga Simon Snow rappelle bien sûr celle d’Harry Potter, et le dernier tome n’étant pas encore sorti, Cath imagine sa propre fin en fanfiction. Le succès est au rendez-vous sur le net ! Mais par contre, Rowell n’a pas écrit Carry On comme Cath l’aurait fait, elle l’a écrit de son point de vue à elle.
En tant que lecteur de Fangirl, nous avons pu apercevoir certains passages de Carry On. Rainbow Rowell avait donc expérimenté le genre fantastique, et voulait maintenant effectuer un virage dans ses romans et tenter complètement l’aventure Simon Snow.
Il y a ce petit quelque chose de Rowell que j’ai retrouvé. Cette lenteur, ces personnages qui se découvrent et prennent le temps de s’apprécier. Dans ses autres romans, c’était quelque chose que j’aimais voir. Malheureusement, dans Carry On, je trouvais que ça n’allait pas avec le genre. Imaginez qu’on vous propulse dans le dernier tome d’Harry Potter. Les personnages se connaissent déjà depuis de nombreuses années, il y a donc certains aspects de l’histoire sur lesquels il n’est pas nécessaire de s’attarder. Et je pense que ce qui m’a le plus dérouté, alors que ça devait sûrement être très drôle, ce sont les noms des sortilèges ! Plus des comptines que des sorts finalement. Et j’ai malheureusement été peu réceptive à ce choix, que j’ai même trouvé un peu ridicule.

Simon Snow entre en dernière année, il est l’élu de tous les mages et va devoir affronter une bonne fois pour toutes une entité maléfique qui efface la magie de certaines parties du pays. Le personnage de Simon n’a pas fonctionné avec moi. Il est un peu niais, et s’attarde sur des détails qui ne valent pas la peine. Du coup, ça fait traîner l’histoire, et même si je me répète, personnellement j’ai trouvé que ce genre de contemplation n’allait pas avec le récit. On patauge dans la semoule.
Le seul personnage qui m’aura fait continuer cette lecture, c’est Baz. Bien qu’il soit très contradictoire sur plusieurs points, il était pour moi la pièce maîtresse du roman. J’avais envie de le découvrir et d’enfin voir LA fameuse scène.

Finalement, j’ai été heureuse de lire de très bons avis concernant ce roman. Ça prouve que Rowell peut faire autre chose. Et c’est une autrice que j’admire beaucoup, et dont je continuerai à lire les livres. Est-ce que l’un d’entre eux surpassera Fangirl, j’en doute, mais j’espère qu’elle me réserve encore de belles surprises.
Si j’avais un conseil à vous donner, c’est de peut-être découvrir l’autrice avec celui-ci, ou sans avoir lu Fangirl avant. Vous aurez peut-être moins d’attentes. C’est ce qui m’a posé problème, je pense. J’en attendais trop.


Autrice : Rainbow Rowell
Editeur : Pocket Jeunesse
Collection : -
Parution : 5 janvier 2017
Pages : 585
EAN-13 : 9782266271523

lundi 3 avril 2017

À un fil

Géorgie est au trente-sixième dessous : cela faisait des années que son mariage battait de l'aile, mais cette fois, c'est la fin. Alors que son mari est parti passer Noël avec ses enfants dans le Nebraska, elle reste seule à Los Angeles, car elle a pris la fâcheuse habitude de faire passer sa carrière avant sa famille. C'est alors qu'elle tombe sur un vieux téléphone jaune à cadran rotatif. Contre toute attente, cette antiquité va lui permettre de faire un bond de quinze ans en arrière et de communiquer avec Neal dans le passé. N'est-ce pas l'occasion rêvée pour résoudre leurs désaccords et retomber amoureux comme au premier jour ?


Mon avis

Je me mets enfin à jour dans les romans de Rainbow Rowell ! Ce que j’aime avec cette autrice, c’est qu’elle passe d’un genre à un autre, ou d’un public à un autre très facilement. J’ai rapidement terminé À un fil, qui est une histoire plutôt originale et pleine de bons sentiments. Trop peut-être ?

Ce qui m’a peut-être le plus dérangé dans ce roman, c’est que Rowell utilise énormément, et sûrement trop de dialogues. Ce qui en fait un roman digne d’un téléfilm, car tout est dans les échanges qu’ont les personnages entre eux. Vu que le fil conducteur repose sur un vieux téléphone jaune, ça tombe bien, mais un peu de contemplation et de détails n’auraient pas fait de mal.

Georgie bosse dans les séries TV et son idée de scénario va peut-être enfin être acceptée par une grosse production. Problème, le directeur souhaite rencontrer son équipe le 27 décembre. Entre temps, il y a Noël, et surtout des épisodes à écrire. Les fêtes en famille tombent à l’eau, ce qui déplaît beaucoup à son mari Neal, homme au foyer qui part avec leurs deux filles, comme prévu, à Omaha. Georgie décide de retourner durant ces quelques jours chez sa mère. Avec son smartphone toujours à plat, difficile de joindre sa petite famille, elle va donc utiliser son téléphone d’ado. Surprise, au bout du fil se trouve bien Neal, son mari, mais la version de ’98 et non celle de 2013. Un joli clin d’œil à Retour vers le futur, où la Delorean se transforme en téléphone jaune.

Le personnage de Georgie est difficile à comprendre pour moi. Elle a beaucoup de réactions étranges, et agit de manière bizarre dans pas mal de situations. Plutôt que d’aller directement acheter une nouvelle batterie, elle me donnait l’impression de faire exprès de ne jamais réussir à joindre son mari. Buté et en colère, ce n’est en tout cas pas ce dernier qui allait faire l’effort de revenir vers elle. Elle passe pour la méchante femme carriériste qui fait passer sa famille après le reste. J’ai trouvé dommage de lui donner cet aspect. On peut être carriériste sans pour autant oublier sa famille. Son associé étant célibataire, bizarrement, ça ne pose pas de problème de son côté.
Je vois que l’autrice a voulu « échanger » les rôles clichés qu’on rencontre habituellement : madame à la maison, monsieur trop engagé dans son travail. Mais ça n’a pas été fait de la meilleure des manières. De plus, Georgie se rabaisse beaucoup. Un passage m’a beaucoup marqué, elle parle des changements entre leur vie sans enfants, et avec. Comme quoi elle était alors la plus sportive des deux, et depuis qu’elle a eu deux enfants, elle se laisse aller. Contrairement à Neal, chez qui le fait d’avoir deux enfants a boosté sa motivation à se raffermir. On insiste sur un détail. J’avais envie de lui dire : ma grande, t’as mis deux enfants au monde. C’est déjà une épreuve en soi, et tu te rabaisses encore et tu complexes par rapport à ton poids ! Moi-même j’ai complexé après ma grossesse, mais je trouvais que l’accent sur cette scène et cet état d’esprit n’était pas positif.

En dehors de cela, l’aspect général du bouquin m’a pas mal plu. Mais j’ai senti qu’elle essayait de sortir des clichés habituels, et finalement je me demande si elle n’est pas tombée dans l’autre extrême ?
Finalement, le coup du téléphone qui appelle dans le passé est plutôt chouette. Ça apporte une jolie touche de magie, et beaucoup de nostalgie pour Georgie. Grâce à ce retour en arrière, elle remet ses idées en place et va enfin ouvrir les yeux sur sa vie. Est-ce que le choix final était à la hauteur ? Peut-être pas. Une autre version aurait pu être beaucoup plus originale, mais elle était digne des belles histoires. Celles qu’on a envie de voir bien se terminer.


Autrice : Rainbow Rowell
Éditeur : Milady
Collection : Littérature
Parution : 23 janvier 2015
Pages : 412
EAN-13 : 9782811213558

samedi 1 avril 2017

Interview de Rainbow Rowell

Dans le cadre du salon du livre de Paris, j'ai rencontré l'autrice Rainbow Rowell. Malheureusement la salle été bruyante, et mon micro pas assez bon. J'ai préféré ne pas vous proposer la version vidéo, car sa qualité est mauvaise. Voici donc mes questions et ses réponses, retranscrites.


Certains de mes abonnés écrivent également, comment avez-vous commencé ?
Quand j’étais petite, tout le monde me complimentait sur mes écrits, donc il était évident pour moi que je devais écrire pour vivre, une fois plus grande. J’ai fait une école de journalisme, et j’ai été journaliste dans un journal pendant 10 ans. Et pendant ce temps, j’ai écrit mon premier roman : « Attachement ».

Que ce soit dans « Attachement » ou dans « Eléanor & Park », vos histoires se déroulent souvent dans les années 80/90. Êtes-vous nostalgique ?
« Eléanor & Park » représente clairement mon adolescence en 1986, et je me suis dit que personne ne pourrait mieux écrire sur Omaha en 1986, que moi, car j’y étais, je l’ai vécu. Je pense également que l’adolescence est la partie de nos vies dont on se souvient le mieux, c’est une étape importante et elle marque nos vies, plus que d’autres moments. J’avais envie d’écrire sur cette époque.

Vous travaillez différents modes de communication entre vos personnages (mails, téléphone, etc.), pourquoi ?
J’aime faire parler les gens, et les faire tomber amoureux grâce au langage. Et je n’aime pas regarder une émission, ou lire un livre, où les personnages tombent amoureux au premier regard sans même s’adresser la parole… bon, c’est vrai que Eleanor et Park sont très silencieux (rire). Mais la magie des mots raisonne un peu comme une chanson pour moi, et tous ces échanges rythment une relation. Et du coup, j’adore écrire les dialogues. J’aime encore plus faire parler plusieurs personnages en même temps, les conversations de groupe, les réparties qu’ils peuvent s’envoyer, etc. C’est pour que ça que je suis attirée par les conversations, ou les voyages en voiture (des espaces confinés où les personnages n’ont pas d’autre choix que de se parler). Beaucoup moins par les textos, c’est moins intéressant à écrire.

Est-ce que vos personnages ont des liens entre eux ? Par exemple, est-ce qu’Eléanor est une version ado d’un autre personnage présent dans un autre roman ?
Non, pas vraiment. Le vrai lien c’est moi, bien sûr, chacun des personnages a à la fois beaucoup de ma personne, mais également pas grand-chose. J’adore combiner mes personnages et les créer. Il y a quelque chose, littéralement, qui relie tous les livres, c’est la ville. Chacune de mes intrigues se déroule à Omaha, mais à des époques différentes. Mais tous mes personnages ont finalement le même âge, ils pourraient très bien se rencontrer d’ailleurs. Peut-être que je devrais le faire dans un livre un jour, une grande réunion entre tous ces personnages qui se sont sûrement déjà croisés.

"Carry on" est vraiment différent de vos autres romans, pourquoi être partie dans un autre genre ?
J’ai toujours lu de la fantasy ou de la science-fiction moi-même. Mais étant journaliste, j’étais ancrée dans le réel, et je me disais que je serais incapable d’écrire de la fantasy. Et finalement, j’ai essayé. J’ai écrit « Fangirl » avec un peu de fantasy, j’ai donc pu expérimenter le genre. Après ça, je me suis entièrement lancée dans cet univers magique. De plus, après quatre livres plutôt semblables et dans le même genre, j’avais envie de prendre des risques. Et il est le livre que je lirais en premier parmi ceux que j’ai écrits, c’est celui que je prendrais plus plaisir à lire.

"Carry On" est-il écrit comme Cath, de "Fangirl", l’aurait écrit, ou comme vous l’auriez écrit ?
C’est mon point de vue. Quand j’ai écrit « Fangirl », j’écrivais sur Simon et Baz du point de vue de Cath et de Gemma T. Leslie. Après ça, j’avais envie de le reprendre de mon point de vue à moi.  


Avez-vous, vous-même publié des fanfictions ?
Quand j’étais plus jeune, j’écrivais des histoires où j’étais le personnage central. J’étais fan des  « X-men » (rire) et je me représentais comme l’une des leurs, et tous les X-men dont j’étais amoureuse, tombaient bien sûr amoureux de moi. Mais vous voyez, il n’y avait pas Internet encore à ce moment-là, donc c’était simplement moi qui me faisais mes propres histoires. Ensuite, en tant qu’adulte, je suis devenue accro à "Harry Potter" ! J’ai lu tous les livres, vu tous les films. Et quand les films se sont terminés, j’ai eu comme une grosse panne, je pensais que ça continuerait pour toujours, et en fait non, c’était simplement fini. Et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à lire des fanfictions, car je ne voulais pas que ça se termine. J’étais donc à fond dans ces histoires écrites pas des fans de la saga, j’en lisais toutes les nuits jusqu’à pas d’heure ! Alors je me suis dit « si j’avais été une adolescente maintenant, si j’avais eu des gens avec qui partager tout ça. Pas seulement l’écriture, mais la passion et l’amour autour de ces histoires, j’aurais adoré ça. ». « Fangirl » est un peu ma revanche, à travers Cath, je partage mon amour de la fanfiction. J’ai mis en scène la façon dont cet univers aurait changé ma vie, si j’avais été une adolescente à ce moment-là. Mais je n’ai jamais écrit de fanfictions Harry Potter, donc n’essayez pas d’en trouver sur le net (rire). Bon, en fait, si j’en ai écrit… mais je ne les ai jamais mises en ligne.