C’était le titre imprévu de
la rentrée. Celui qui m’a fait de l’œil, alors que je n’en avais pas entendu parler.
Après lecture du résumé, ces personnages me poursuivaient déjà.
"Rose et Pierrot sont arrivés
en même temps à l’orphelinat. Bébés non désirés, ou impossibles à garder. Nous
sommes en 1914 et des bouches à nourrir, il y en a bien assez. En grandissant,
ils se trouvent des affinités et des points communs. Les religieuses sont formelles,
si ces deux-là traînent trop ensemble, ils seront perdus ! Chacun y met du
sien pour séparer les deux enfants, mais quand un lien se crée, difficile de le
rompre."
Au départ, j’avais de la
peine avec la plume de l’autrice. Je n’aimais pas les détails crus et sexuels qu’elle
utilisait. C’est un texte brut, qui n’y va pas de main morte avec ses
personnages. Que ce soit Rose ou Pierrot, chacun va découvrir la vie, comme
personne ne devrait la découvrir. L’un va décoller pour mieux tomber, l’autre
va se ratatiner la face sur le bitume avant de gravir les échelons.
Au fil de ma lecture, j’ai
commencé à m’attacher à ces deux enfants éternels. Finalement, le style a fini
par passer tout seul, et je trouvais même qu’il collait bien à l’univers. On
arpente des rues sombres et inquiétantes, les lieux, s’ils ne sont pas luxueux,
sont au contraire très sales et miteux.
Rose est une fille ni jolie
ni vilaine, comme on dirait. Si elle n’avait pas cette imagination débordante,
et un don pour le spectacle, elle passerait inaperçue. J’ai aimé ce personnage,
bien que des facettes de sa personnalité me soient totalement passées à côté.
Son côté espiègle complète parfaitement sa tendance à saisir les opportunités
quand elles se présentent. Si quelque chose ne fonctionne pas, elle le
contournera jusqu’à y parvenir.
Pierrot est sa face B.
Prodige du piano, il se retrouve sans un sou du jour au lendemain, et va
rapidement tomber dans la spirale infernale de la drogue. Jouer pour gagner,
gagner pour consommer. Je l’ai malheureusement trouvé plus effacé que Rose. Je
n’arrivais pas à me sentir proche de lui, pourtant il est attachant et
touchant.
Rose et Pierrot baignent dans
un monde provocant. Chacun va développer rapidement, et durant l’enfance, une
certaine vision de la vie sexuelle. Au départ, ils la découvrent de façon
brutale, et très vite cette vision sera la leur, sans qu’on leur laisse le
choix. J’ai été particulièrement touchée par cet apprentissage. Les relations
sexuelles sont souvent des instants importants et sacrés, dans la vie. Sujet
sensible et tabou, l’autrice dévoile ici des pensées et des actes intimes. Plus
on avance dans le texte, plus on s’y fait. Plus on comprend leur vision de ces
moments. On y parle aussi de maternité, d’enfants non désirés, avortés ou
encore perdus.
À côté de ça, il y a les
spectacles et la musique. Les passions des deux protagonistes. Ce qui les
pousse à se lever chaque matin, à gagner un peu d’argent par-ci par-là. Prouver
qui ils sont et qui ils peuvent devenir. Malgré les bâtons dans les roues, ou
la drogue, ou les mensonges. Tomber pour mieux se relever, telle est leur
devise. Si leur milieu est crade, tant pis, ils feront avec.
Ce roman est une ode à la
vie. Il nous pousse à croire en nos rêves. Ne jamais laisser tomber, et
toujours aller de l’avant. Rien n’a été facile pour Rose et Pierrot, pourtant ils
ne lâchent rien, et leurs faiblesses deviennent rapidement leurs forces.
Auteur : Heather O'Neill
Éditeur : Seuil
Collection : Cadre vert
Parution : 16 août 2018
Pages : 475