jeudi 30 mai 2019

Adapter son rythme de lecture

Comment tu fais pour lire encore autant maintenant que ta fille est là ? On me pose tellement souvent cette question, directement ainsi, ou sous différentes formes. Du coup je me suis dit que vous parler de mes deux rythmes de lecture pourrait être sympa. En effet je ne lis pas toujours de la même façon, ni pour les mêmes raisons. Je vais détailler ça en deux genres de lectures, et dans ces deux genres il peut y avoir des sortes de sous-catégories. Pour mon travail c'est devenu nécessaire que je fonctionne un peu comme ça. Je vous explique ça : 

Lecture personnelle 
Le genre commun on va dire. Celui que beaucoup de lecteurs ont. Ce sont des livres qui 99 % du temps ont été acheté par envie. Ceux que j'ai décidé de me procurer car sûre de mes choix. Ça peut être neuf en librairie, ou gratuitement par la boite à livre, ou encore d'occasion à Emmaüs. Ceux-ci seront lu à un rythme normal, je vais prendre mon temps, ou les dévoré mais je lirais le roman de façon très consciente et personnelle. Je me permets de faire dormir un livre parfois des années dans ma pile des non-lus et parfois je le lirais dès son achat. C'est ici aussi que je vais mettre mes relectures. Avoir envie de relire un texte lu il y a des années, ou le parcourir sans aucun but précis, juste revoir certaines scènes. Pour les essais je fonctionne autrement, vu qu'ils sont souvent surlignés. Je reviendrais donc généralement vers ces passages mit en couleur. 

Ces lectures sont généralement faites dans des cadres particuliers aussi, je suis très saisonnière dans mes livres, et prendre le soin de choisir un livre qui va avec le temps ou mon humeur, fait partie de ces petits plaisirs de lecteurs. On réunit plusieurs éléments pour que ça nous parle à l'instant T. 



Lecture professionnelle 
Le genre que j'ai dû dissocier des lectures personnelles, pour pouvoir m'en sortir. Voilà plus d'une année qu'avec ma collègue nous avons repris le rayon littérature, soit la fiction dites adultes dans son ensemble. C'est un gros morceau de la librairie. Les nouveautés arrivent chaque jour, avec des piques importants fin août et début septembre jusqu'à Noël, puis un petit en janvier, mais ensuite les nouveautés continuent, à une fréquence moins dense, mais elles sont quand même présentes jusqu'à fin juin. Et si on ne sait pas de quoi parle ces livres, c'est plus difficile à conseiller. Il faut donc les lire. Pas tous bien sûr, car impossible, mais parmi tous ces titres il faut piocher ceux qu'on a envie de défendre. Ce sont souvent des services de presse, envoyés par le fournisseur, car la lecture de ces romans pour de futures ventes fait partie de notre métier, et donc le livre en lui-même devient notre outil de travail. On ne le payera pas toujours. 

Une nouveauté, selon les piques d'importances, aura 2 ou 3 mois de vie. Si on lit un livre trop tard après sa parution, il ne sera peut-être même plus en présentation. J'essaye donc de lire ceux qui me parlent le plus assez rapidement. Et pour faire vite, il faut lire vite. Sauf qu'en lisant chaque virgule, ça sera parfois difficile d'avoir un rythme rapide. J'ai donc décidé, pour ces lectures-là, d'effectuer des lectures plus ou moins rapides. Il m'arrive donc de sauter régulièrement des paragraphes, de lire surtout les dialogues, etc. Je n'hésite pas à lire plusieurs pages d'affilées pour m'imprégner du style de l'auteur. Ça me semblait un peu barbare au début, mais finalement ça me permet d'étendre mes conseils en librairie. Et puis aucun livre lus, dans n'importe quel cadre, n'est perdu. Lire un livre de mon côté pour moi, fera un très bon conseil plus tard. Pas en nouveauté, certes, mais on ne peut pas lire que ça. Et il arrive souvent qu'un livre soit lu pour une lecture pro et passe finalement dans les lectures perso, car je commence à avoir un coup de coeur, et donc j'ai envie de me consacrer complètement à ce texte, et vice-versa. 

J'alterne entre les deux rythmes, sans me mettre de pression. On a beau devoir lire, que ce soit pour les études, le travail ou que sais-je, mais si ça peut rester un bon moment tant mieux. Les lectures professionnelles, sont des lectures plaisir également, ce sont simplement des livres que je n'aurais pas achetés tout de suite, des livres que je ne me serais pas empressé de lire… En fait j'aime bien lire comme ça. Il y a ce côté avidité dans le rythme pro et l’oisiveté dans le rythme perso. Les deux se complètent. Certains ont tendance à me répéter que je prends ça trop au sérieux, qu'il y a trop d'objectifs, mais lire fait partie de mon métier. Si je lis 2 livres par mois de temps en temps ce n'est pas grave, mais c'est problématique pour conseiller de nouvelles choses à nos clients. On ne peut pas éternellement rester sur nos coups de coeur passés, il faut découvrir de nouvelles choses. Le secret est de ne pas tomber dans le burn-out de la lecture, la fameuse panne. Elle ne me fait pas peur, et justement prendre certaines lectures avec plus de distance et de légerté me permet de ne pas craquer. Ne pas tomber de l'autre côté. Alterner, adapter, feuilleter, abandonner, dévorer, etc, tout ça fait partie du droit du lecteur. Que ce soit le lecteur de son côté, pour lui, ou le lecteur qui lit aussi pour ses études ou son travail. Et puis, quoi de mieux que de pouvoir lire à la fois pour son plaisir perso, que pro ? 

J’avais envie de revenir là-dessus avec vous, pour répondre à cette question de comment fais-tu ? J’adapte et je ne compte pas. En fait, si je ne travaillais pas dans le monde du livre je ferais probablement autrement, mais toujours réadapter des choses dans son quotidien pour que ça soit plus facile et agréable est une solution pour moi. Aujourd’hui je fonctionne comme ça, et peut-être que dans un an je ferais autrement. S’écouter avant tout.

lundi 20 mai 2019

Les réseaux sociaux sont-ils des Licornes ?

Il est des romans qui nous poursuivent. Ceux qu'on décide d'ouvrir grâce à un titre, à cause d'une couverture ou encore d'un résumé. C'est comme ça que Licorne m'est tombé dessus. D'abord à cause de son titre un peu trop facile, les licornes sont devenues pour moi les égéries d'un mouvement un peu étrange, mélange entre quelque chose de mignon et niais, de mystique et de commun. La licorne est devenue banale. Quel titre parfait pour ce roman. 
MissMaëla98 aimerait être influenceuse. On suit son parcours chaotique pour y arriver, mettre tout en œuvre pour atteindre ce rêve plein de paillettes. Elle finira par y perdre quelques crédits pour lesquels on s'endette, de l'amour propre aussi, et pas mal de sommeil. Mais tant pis, quand on a un objectif, on est capable de tout pour y arriver. Après la lecture de ce roman j'ai eu pleins de sensations. J'étais en colère, reconnaissante, et dubitative. Que penser d'un texte comme celui-ci ? Le plus simple est de donner toutes les facettes de mes interrogations. Parfois l'une répond à l'autre, et des fois non. 



Une publication chez Gallimard Blanche pour une caricature des réseaux sociaux ? 
J'étais très étonnée de voir ce titre, avec ce sujet, chez Gallimard. La maison d'édition est réputée pour être très blanche (comme le nom de sa collection), contemporaine et « littéraire ». Au départ j'avais envie de croire que c'était une bonne chose. Le publique de la collection (en général et dans son ensemble, il me sera impossible de faire des exceptions pour tout le monde, comme le texte de l'autrice finalement), est plutôt étranger des réseaux sociaux, une occasion peut-être de leur parler de ce sujet. Sauf que, si le sujet ne les intéresse pas, ils ne risquent pas d'ouvrir le livre. Et si toute fois ils l'ouvrent, ils découvriront finalement, exactement ce qu'ils pensent déjà cet univers méconnu : faux-semblants et superficialité. Ou alors serait-ce un moyen de faire découvrir cette collection à une génération plus jeune, qui n'ose pas se tourner vers ces livres ? De peur de ne pas être la cible ? Les deux réponses sont peut-être les bonnes, ou aucune des deux. 
L'image des réseaux sociaux sera la même que celle qu'on voit dans de nombreux reportages. Ce même effet miroir est d'ailleurs présent dans le roman quand des chaînes de télévisions interviewent l'héroïne. On retrouve alors le portrait d'une génération obnubilée par son image, par son ascension virtuelle, par les cadeaux et les attentions des marques. Mais aussi des chutes. Des corps qui s'amaigrissent pour rentrer dans une robe. Des attaques verbales violentes. Des abus. Le roman est presque une mise en garde. Mais une mise en garde à l'usage de qui ? De la génération qui ne connaît pas ce monde, et qui a déjà cette image en tête ? Pourquoi la mettre en garde ? Pour lui donner une raison de plus de lever les yeux au ciel devant les gens qui parlent à leur téléphone et prennent des photos de leur petit déjeuner ? 

Et pourquoi pas un aspect plus réaliste de la sphère réseaux sociaux ? 
Car si le modèle du dessus existe vraiment, il n'est pas unique. Comme dans chaque univers il y a son contraire, et même des nuances. Si, si. La preuve en est, nous sommes des milliers à avoir des comptes Instagram, des chaînes Youtube, des réseaux où nous nous activons chaque semaine dans le but et l'envie de partager. C'est peut-être trop utopiste pour certains, mais nous existons. Nous avons besoin d'un peu de reconnaissance, ne le nions pas, mais nous avons aussi su ne pas tomber dans l'extrême. Et ceci s'applique à n'importe quelle communauté. Le réseau comme moyen de ne pas sentir seul avec sa passion. D'avoir le loisir de partager et d'échanger avec des gens du monde entier, en plus des gens que l'on côtoie tous les jours. Nous ne sommes pas des exceptions qui auraient été un grain de sable dans un roman traitant d'une majorité. Peut-être que je m'avance un peu, mais je pense que nous sommes nombreux à juste aimer ce petit moment d'échange, sans forcément y voir les strass et les paillettes. Est-ce réservé aux lecteurs ? Est-ce que ça veut dire que toutes les influenceuses beauté sont dans le même panier ? Aurait-ce été trop difficile de nuancer cet univers, en lui apportant aussi une facette positive ? Une autre héroïne, qui, en parallèle de Maëla arrive à faire la part des choses, à aimer ce qu'elle fait sur la toile, tout en faisant autre chose, ou juste une réussite qui ne nécessite pas de vendre son âme. 

Une fin imparfaite ? 
Je vais devoir parler de la fin pour terminer de me poser des questions. Si vous voulez lire ce roman sans connaître la fin, arrêtez-vous là, si être spoilé ne vous dérange pas, on continue. Le personnage de Nora Sandor commence à un moment donné à se poser des questions. Et des questions importantes. En effet lors d'une soirée, elle se fait approcher par BodyMax un vidéaste fitness, ce dernier lui propose même de faire une vidéo avec elle. Elle saisit cette chance de se faire connaître un peu plus. Dragueur l'homme n'hésite pas à lui tenir la main dans les rues de Paris, et à la montrer dans son vlog. Ses abonnés affluent sur la chaîne de Maëla. Pourtant le soir avant de repartir en Bretagne il va plus loin. Au départ c'est un acte sexuel, on ne sait pas si Maëla dit oui ou non, on ne voit que le début et le départ. Mais plus elle y pense, plus elle est immergée dans cet univers qu'elle rêvait tant d'atteindre, plus elle comprend que cet acte sexuel n'était pas raccord avec ce qu'elle voulait. Avait-elle vraiment dit non ? Une chose est sûre, elle se sent souillée, violée. Elle va alors faire le choix d'en parler publiquement. Une photo suffit. Maëla pense d'abord être soutenue, comme une victime aimerait l'être, mais bien sûr c'est tout le contraire. BodyMax l'a traite de menteuse et de profiteuse, tout le monde pense qu'elle a volontairement abusé de la notoriété du vidéaste. Et du jour au lendemain elle n'a plus rien. Le néant. Elle se sent sale, doit quatre crédits différents, et n'est plus personne. Certains banalisent même son viol, en appuyant le fait qu’elle n’avait pas dit non à ce qu'il paraît, et que des victimes souffrent vraiment de cet acte. Au plus bas, elle décide même de mettre en ligne son suicide, en direct sur Snapchat. Elle pense à bien mettre le bon filtre, la couronne de fleur lui va si bien. C'est à ce moment-là que j'ai cru être complètement perdue, et de ne pas reconnaître ce que moi je connais de mon petit milieu faisant parti de cet univers. 
Ce dernier étant tellement vaste que je conçois bien que des cas comme ça arrive, que des gens s'endettent, et même perdent la vie, comme dans d'autres milieux. Déroutée et apeurée j'avais envie de me voiler la face. De me dire que c'était trop. Mais non. Il faut bien se rendre compte que des cas comme ça existe, et peuvent même être nombreux. Comme toujours, ce qu'on ne voit pas, existent souvent bel et bien. C'est pourquoi je suis super partagée sur ce texte, autant il dénonce et met en avant des drames et des actes qui peuvent aller trop loin, ce qui me plait aussi, car le monde n'est pas rose et pleins de licornes, comme on veut nous le faire croire grâce aux bons filtres. Mais est-ce que dans ce genre d'exemples ça aurait été compliqué d'avoir un autre point de vue ? Un autre vécu ? Est-ce que ça aurait fait trop ? 

L'happy end vient peut-être dans l'épilogue ? 
On y retrouve Maëla, dans une grande maison au bord de la mer, le temps a passé entre maintenant et sa tentative de suicide, qui a ratée grâce à des marshmallow qui ont absorbé pas mal des substances avalées. Elle a peut-être réussi à créer le bonheur tant convoité, mais rien n'est moins sûr. Son succès elle le doit à son malheur. Après les gros titres qui mettent en avant le côté dangereux de la course aux abonnés et aux likes, sa popularité remonte. Elle commence alors à prôner un mode de vie sans addiction aux réseaux sociaux. Une vidéo en entraîne des tas d'autres, et des coachings, et des séminaires, etc. La question que je me pose est : est-ce une meilleure réussite ? De gagner sa vie grâce aux réseaux, dont elle désintox les gens ? Est-ce que ce n'est pas complètement contradictoire ? C'est pour ça que je suis partagée sur ce roman. Il m'aura apporté tout ce que j'ai cité plus haut. Si on peut souvent être d'accord pour dire que c'est horrible, mais réaliste, on peut aussi lui reprocher de cacher le bon côté des réseaux. De diaboliser quelque chose, qui comme beaucoup, peuvent être bénéfique selon notre façon de l'utiliser. 

Bon ou mauvais ? 
Il restera entre les deux. Si j'ai affirmé qu'il était bon il y a quelques heures, je pense maintenant nuancer mon avis, et rester indécise. C'est un roman qui fait réfléchir, et parler. On a envie d'échanger autour des vastes questions qu'il soulève.
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