Il est des romans qui nous poursuivent. Ceux qu'on décide d'ouvrir grâce à un titre, à cause d'une couverture ou encore d'un résumé. C'est comme ça que Licorne m'est tombé dessus. D'abord à cause de son titre un peu trop facile, les licornes sont devenues pour moi les égéries d'un mouvement un peu étrange, mélange entre quelque chose de mignon et niais, de mystique et de commun. La licorne est devenue banale. Quel titre parfait pour ce roman.
MissMaëla98 aimerait être influenceuse. On suit son parcours chaotique pour y arriver, mettre tout en œuvre pour atteindre ce rêve plein de paillettes. Elle finira par y perdre quelques crédits pour lesquels on s'endette, de l'amour propre aussi, et pas mal de sommeil. Mais tant pis, quand on a un objectif, on est capable de tout pour y arriver.
Après la lecture de ce roman j'ai eu pleins de sensations. J'étais en colère, reconnaissante, et dubitative. Que penser d'un texte comme celui-ci ? Le plus simple est de donner toutes les facettes de mes interrogations. Parfois l'une répond à l'autre, et des fois non.
Une publication chez Gallimard Blanche pour une caricature des réseaux sociaux ?
J'étais très étonnée de voir ce titre, avec ce sujet, chez Gallimard. La maison d'édition est réputée pour être très blanche (comme le nom de sa collection), contemporaine et « littéraire ». Au départ j'avais envie de croire que c'était une bonne chose. Le publique de la collection (en général et dans son ensemble, il me sera impossible de faire des exceptions pour tout le monde, comme le texte de l'autrice finalement), est plutôt étranger des réseaux sociaux, une occasion peut-être de leur parler de ce sujet. Sauf que, si le sujet ne les intéresse pas, ils ne risquent pas d'ouvrir le livre. Et si toute fois ils l'ouvrent, ils découvriront finalement, exactement ce qu'ils pensent déjà cet univers méconnu : faux-semblants et superficialité. Ou alors serait-ce un moyen de faire découvrir cette collection à une génération plus jeune, qui n'ose pas se tourner vers ces livres ? De peur de ne pas être la cible ? Les deux réponses sont peut-être les bonnes, ou aucune des deux.
L'image des réseaux sociaux sera la même que celle qu'on voit dans de nombreux reportages. Ce même effet miroir est d'ailleurs présent dans le roman quand des chaînes de télévisions interviewent l'héroïne. On retrouve alors le portrait d'une génération obnubilée par son image, par son ascension virtuelle, par les cadeaux et les attentions des marques. Mais aussi des chutes. Des corps qui s'amaigrissent pour rentrer dans une robe. Des attaques verbales violentes. Des abus.
Le roman est presque une mise en garde. Mais une mise en garde à l'usage de qui ? De la génération qui ne connaît pas ce monde, et qui a déjà cette image en tête ? Pourquoi la mettre en garde ? Pour lui donner une raison de plus de lever les yeux au ciel devant les gens qui parlent à leur téléphone et prennent des photos de leur petit déjeuner ?
Et pourquoi pas un aspect plus réaliste de la sphère réseaux sociaux ?
Car si le modèle du dessus existe vraiment, il n'est pas unique. Comme dans chaque univers il y a son contraire, et même des nuances. Si, si. La preuve en est, nous sommes des milliers à avoir des comptes Instagram, des chaînes Youtube, des réseaux où nous nous activons chaque semaine dans le but et l'envie de partager. C'est peut-être trop utopiste pour certains, mais nous existons. Nous avons besoin d'un peu de reconnaissance, ne le nions pas, mais nous avons aussi su ne pas tomber dans l'extrême. Et ceci s'applique à n'importe quelle communauté. Le réseau comme moyen de ne pas sentir seul avec sa passion. D'avoir le loisir de partager et d'échanger avec des gens du monde entier, en plus des gens que l'on côtoie tous les jours. Nous ne sommes pas des exceptions qui auraient été un grain de sable dans un roman traitant d'une majorité. Peut-être que je m'avance un peu, mais je pense que nous sommes nombreux à juste aimer ce petit moment d'échange, sans forcément y voir les strass et les paillettes. Est-ce réservé aux lecteurs ? Est-ce que ça veut dire que toutes les influenceuses beauté sont dans le même panier ? Aurait-ce été trop difficile de nuancer cet univers, en lui apportant aussi une facette positive ? Une autre héroïne, qui, en parallèle de Maëla arrive à faire la part des choses, à aimer ce qu'elle fait sur la toile, tout en faisant autre chose, ou juste une réussite qui ne nécessite pas de vendre son âme.
Une fin imparfaite ?
Je vais devoir parler de la fin pour terminer de me poser des questions. Si vous voulez lire ce roman sans connaître la fin, arrêtez-vous là, si être spoilé ne vous dérange pas, on continue.
Le personnage de Nora Sandor commence à un moment donné à se poser des questions. Et des questions importantes. En effet lors d'une soirée, elle se fait approcher par BodyMax un vidéaste fitness, ce dernier lui propose même de faire une vidéo avec elle. Elle saisit cette chance de se faire connaître un peu plus. Dragueur l'homme n'hésite pas à lui tenir la main dans les rues de Paris, et à la montrer dans son vlog. Ses abonnés affluent sur la chaîne de Maëla. Pourtant le soir avant de repartir en Bretagne il va plus loin. Au départ c'est un acte sexuel, on ne sait pas si Maëla dit oui ou non, on ne voit que le début et le départ. Mais plus elle y pense, plus elle est immergée dans cet univers qu'elle rêvait tant d'atteindre, plus elle comprend que cet acte sexuel n'était pas raccord avec ce qu'elle voulait. Avait-elle vraiment dit non ? Une chose est sûre, elle se sent souillée, violée. Elle va alors faire le choix d'en parler publiquement. Une photo suffit. Maëla pense d'abord être soutenue, comme une victime aimerait l'être, mais bien sûr c'est tout le contraire. BodyMax l'a traite de menteuse et de profiteuse, tout le monde pense qu'elle a volontairement abusé de la notoriété du vidéaste. Et du jour au lendemain elle n'a plus rien. Le néant. Elle se sent sale, doit quatre crédits différents, et n'est plus personne. Certains banalisent même son viol, en appuyant le fait qu’elle n’avait pas dit non à ce qu'il paraît, et que des victimes souffrent vraiment de cet acte. Au plus bas, elle décide même de mettre en ligne son suicide, en direct sur Snapchat. Elle pense à bien mettre le bon filtre, la couronne de fleur lui va si bien. C'est à ce moment-là que j'ai cru être complètement perdue, et de ne pas reconnaître ce que moi je connais de mon petit milieu faisant parti de cet univers.
Ce dernier étant tellement vaste que je conçois bien que des cas comme ça arrive, que des gens s'endettent, et même perdent la vie, comme dans d'autres milieux.
Déroutée et apeurée j'avais envie de me voiler la face. De me dire que c'était trop. Mais non. Il faut bien se rendre compte que des cas comme ça existe, et peuvent même être nombreux. Comme toujours, ce qu'on ne voit pas, existent souvent bel et bien. C'est pourquoi je suis super partagée sur ce texte, autant il dénonce et met en avant des drames et des actes qui peuvent aller trop loin, ce qui me plait aussi, car le monde n'est pas rose et pleins de licornes, comme on veut nous le faire croire grâce aux bons filtres. Mais est-ce que dans ce genre d'exemples ça aurait été compliqué d'avoir un autre point de vue ? Un autre vécu ? Est-ce que ça aurait fait trop ?
L'happy end vient peut-être dans l'épilogue ?
On y retrouve Maëla, dans une grande maison au bord de la mer, le temps a passé entre maintenant et sa tentative de suicide, qui a ratée grâce à des marshmallow qui ont absorbé pas mal des substances avalées. Elle a peut-être réussi à créer le bonheur tant convoité, mais rien n'est moins sûr. Son succès elle le doit à son malheur. Après les gros titres qui mettent en avant le côté dangereux de la course aux abonnés et aux likes, sa popularité remonte. Elle commence alors à prôner un mode de vie sans addiction aux réseaux sociaux. Une vidéo en entraîne des tas d'autres, et des coachings, et des séminaires, etc.
La question que je me pose est : est-ce une meilleure réussite ? De gagner sa vie grâce aux réseaux, dont elle désintox les gens ? Est-ce que ce n'est pas complètement contradictoire ?
C'est pour ça que je suis partagée sur ce roman. Il m'aura apporté tout ce que j'ai cité plus haut. Si on peut souvent être d'accord pour dire que c'est horrible, mais réaliste, on peut aussi lui reprocher de cacher le bon côté des réseaux. De diaboliser quelque chose, qui comme beaucoup, peuvent être bénéfique selon notre façon de l'utiliser.
Bon ou mauvais ?
Il restera entre les deux. Si j'ai affirmé qu'il était bon il y a quelques heures, je pense maintenant nuancer mon avis, et rester indécise. C'est un roman qui fait réfléchir, et parler. On a envie d'échanger autour des vastes questions qu'il soulève.
Ok. Pas pour moi alors. Problème avec la cible, comme tu le fais remarquer. J'ai du mal avec la diabolisation totale de quelque chose.
RépondreSupprimerOui, c'est vraiment dommage que l'autrice n'apporte pas plus de nuances.
SupprimerComme tu l'as écrit, et je partage l'avis de Karine : je pense qu'il y a un problème de cible. Je conçois très bien ta position partagée car à la lecture de ton avis, c'est ce que je ressens déjà sur un livre que je n'ai pas lu. Faire naître une réflexion est toujours une action bonne à prendre, peu importe le livre. Le coté diabolisation me dérange aussi. Je suis curieuse aussi de savoir ce que les autres lecteurs en ont pensé, tiens.
RépondreSupprimerBonjour, pour ma part, je ne partage pas du tout cet avis. Maëla est certes un cas extrême, mais la description des réseaux ne me paraît pas diabolisée : ce sont les réseaux sociaux qui permettent à Maëla d'être connectée aux mouvements sociaux (parcours sup, la grève des cheminots etc). Les réseaux sociaux lui donnent parfois accès à une forme de savoir. L'évocation de Me Too par exemple n'est pas du tout négative non plus : au contraire, elle éveille une forme de conscience féministe chez Maëla. Et puis il y a des personnages "virtuels" comme Daisy qui ont un rôle important et qui échappent à la satire. Je ne pense pas que le personnage de Maëla soit à prendre comme la représentation de tous les usages possibles des réseaux. Et puis ce n'est pas un roman très "réaliste", justement (voir par exemple le personnage de Baloo).
RépondreSupprimerJe partage plus un questionnement qu'un avis. Et c'est ce que cherche à faire le roman de mon point de vue. Il cherche à nous faire nous poser des questions. Ton raisonnement entre parfaitement dans ce que je dis finalement. Vu que je ne tire pas le roman d'un côté ou de l'autre. Pour ce qui est du réalisme, on traite souvent de choses réelles, en évoquant des choses qui ne le sont pas, ou peu.
SupprimerCe roman est vraiment brillant, je trouve. De mon point de vue, la caricature est à peine exagérée. Nuancer le propos? C'est enlever tout le sens du roman. On est clairement du côté de la satire, donc je pense qu'il aurait été incongru de parler des aspects "positifs" des réseaux -mais d'ailleurs, comme le souligne le commentaire précédent, ces réseaux ne sont pas du tout diabolisés en tant que tel.
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